Historique tirée de l'ouvrage Karaté-Do ( Roland
Habersetzer ) Editions Amphora . 1972
INTRODUCTION
Définition
Le karaté est la forme
japonaise d'une technique de combat sans armes, mains et pieds nus ; c'est
une méthode d'attaque et de défense qui repose exclusivement sur
l'utilisation rationnelle des possibilités naturellement offertes par le
corps humain ; elle consiste en un ensemble de coups frappés (atémis),
soit des membres supérieurs (poing, main, coude,avant-bras) soit des membres
inférieurs (pied, genou) ; ces coups sont portés soit sur des points précis
et vulnérables (points vitaux) du corps de l'adversaire, soit sur le membre,
bras ou pied, avec lequel il attaque ;dans ce cas la technique frappée est
un blocage, en soi déjà très éprouvant pour l'adversaire ; elle est alors
immédiatement suivie d'une contre attaque décisive, en général par un autre
coup frappé. Dans sa forme caractéristique le karaté est une escrime des
bras et des jambes, les deux servant indifféremment à parer une attaque
adverse ou à riposter ; il est complété par des techniques de luxations, de
projections et de renversements ; en fait le karaté comporte tous les moyens
pour la mise hors de combat d'un assaillant ; rien, aucun coup ni aucune
prise, n'est interdit. A l'entraînement toutefois, pour qu'un travail avec
partenaire soit possible, les coups sont portés avec violence mais toujours
rigoureusement retenus avant l'impact ; cette règle, et le fait que les
projections soient très rares, expliquent que le karaté pratiqué en salle ne
présente aucun danger pour l'organisme tout en restant un sport très viril
car les contusions aux membres sont inévitables au cours d'assauts sincères.
Historique
On peut s'étonner de
l'ancienneté d'une technique de combat que les sportifs occidentaux n'ont
découvert que récemment, à une époque où le judo était largement connu et
pratiqué. En fait le karaté ne fut introduit au Japon qu'au début de ce
siècle et le public japonais lui-même ne le découvrit que dans les années
précédant la dernière guerre.
L'ART MARTIAL
II a une très vieille histoire ; son
origine remonte aux premières formes de combat sans armes. Les premières
traces d'une technique de coups de poing et de pied, relativement proche de
la forme actuelle du karaté, apparaissent au VIe siècle de notre ère, en
Chine ; un moine bouddhiste venu de l'Inde, Bodhidharma, également
connu sous le nom de Daruma y mit au point une méthode appelée
Shaolin-zu-kempo qui fut propagée à travers le pays par ses disciples,
au cours de leurs pérégrinations. Cette première forme codifiée de science
du combat puisait ses racines dans des méthodes guerrières de l'Inde,
beaucoup plus anciennes ; en Chine elle se mêla aux techniques locales ; il
en résulta une grande variété de techniques mettant surtout l'accent sur
l'utilisation des poings, tels le Pangai-noon, le Kung-fu, le
Pakua, le Tai-chi, le Kempo, etc.
L'étape suivante se place à Okinawa,
île située au Sud du Japon, terre de rencontre des influences chinoises et
japonaises ; cette position intermédiaire entre deux civilisations explique
qu'Okinawa ait pu devenir un creuset original où ont fusionné des apports
divers; c’est la notamment que se développa une forme de combat extrêmement
violente et efficace directement à l'origine du karaté japonais actuel ;
celle-ci fut par deux fois la réponse de la population aux actes
d'envahisseurs détestés.
Les premiers furent les Chinois,
venus au XVe- siècle ; ils apportèrent, en même temps que leur civilisation,
des « arts du poing » qui furent considérés avec intérêt par les habitants
de l'île, tout port d'armes ayant été interdit par les autorités ; les
anciennes techniques de combat locales qui avaient été pratiquées jusque-là
dans le style propre a tout l’Extrême-Orient tout de lenteur et de
décontraction, plus dans un but philosophique ou pour le maintien de la
santé que pour le combat réel furent parallèlement développées dans une
optique nouvelle, Le but devenait l’élimination des forces occupantes malgré
l'absence d’armes. Progressivement la synthèse se fit entre les techniques
locales et les techniques
chinoises ; ce fut
l'Okinawa-te ou To-de.
Les seconds furent les Japonais qui
décidèrent deux cents ans plus tard de s'approprier cette île dont ils
convoitaient la richesse issue des échanges commerciaux avec la Chine. Une
nouvelle fois les autochtones Purent mettre leur technique à l'épreuve,
d'autant plus que les nouveaux envahisseurs avaient imité les Chinois en
interdisant .tout port d’armes.
L'Okinawa-te,
développé systématiquement, devint terriblement meurtrier„ Son enseignement
et sa pratique restèrent secrets jusqu en 1900, date à laquelle les
instructeurs d'Okinawa estimèrent que les temps avaient suffisamment changé
pour qu'ils puissent se permettre de rompre le silence.
L'Okinawa-te
qui ne s'appelait toujours pas karaté, fut alors enseigne ouvertement,
essentiellement comme méthode d'éducation physique; de cette époque nous
sont parvenus les noms de deux maîtres qui allaient devenir les chefs de
file des principales écoles actuelles :
-
Ankoh Itosu
enseignait une méthode basée sur les techniques longues, les déplacements
rapides et légers (style Shorin)
-
tandis que
Kanruo Higaonna donnait la préférence à un style basé sur des
techniques de force, en contraction et sur des déplacements courts, surtout
efficace pour le combat a faible distance (style Shorei). Ces deux
maîtres instruisirent les hommes qui, un peu plus tard, révélèrent leur
technique martiale au Japon.
Cette découverte n'eut lieu que dans
les années 1915-1925. C'est Gichin
Funakoshi, considéré comme le vrai père du karaté actuel, qui
enthousiasma les Japonais par la démonstration qu'il fit en 1922 à Tokyo au
cours d'une fête sportive. Les Japonais, qui ne connnaissaient encore que le
jiu-jitsu (méthode de combat sans armes dont est issu le judo)
se mirent a l'étude de cette méthode encore inconnue et si efficace sous la
direction du maître Funakoshi, prié de rester au Japon. C'est' alors
seulement que celui-ci coupa le lien avec l'origine chinoise et okinawaïenne
de son art, en l'appelant Karaté ; il appela sa technique Shotokan du
nom de la salle d'entraînement qu'il ouvrit à Tokyo. Mais tandis que
certains instructeurs continuaient à enseigner à Okinawa une forme plus
traditionnelle et plus proche de l'Okinawa-te (ainsi l'Uechi-ryu
le Shoreiji-ryu, etc.), d'autres, voyant le succès de Funakoshi,
passèrent au Japon et y apportèrent leur technique ; quoique celle-ci fut à
chaque fois légèrement différente, ils l'appelèrent tous karaté en raison de
la publicité dont cette désignation bénéficiait déjà. C'est ainsi que
Kenwa Mabuni enseigna le style Shito-ryu, car il avait étudié
sous la direction du maître Itosu comme du maître Higaonna, et
que Chojun Miyagi fonda le style Goju-ryu; cette période fut
particulièrement féconde pour le karaté • sous l'impulsion notamment des
jeunes universitaires japonais, les techniques furent étudiées
rationnellement et le karaté devint ce mode de combat si efficace, utilisant
au maximum les possibilités du corps humain, tel que nous le connaissons
aujourd'hui. C'est Funakoshi qui ajouta le suffixe Do pour mieux
incorporer son art dans l'ensemble des arts martiaux japonais et rappeler
que le karaté permettait aussi une approche de l'ancien esprit des Samouraïs
(chevaliers) japonais, celui du
Budo (recherche
de la voie philosophique par la pratique d'un art de guerre).
Mais l'évolution du karaté
se poursuivait avec le maître exceptionnel Yoshitaka Funakoshi, fils
de Gichin, qui l'adaptait au tempérament japonais et en fit une
discipline extrêmement dure, tandis que le maître japonais Otsuka qui
avait étudié sous la direction de Gichin Funakoshi, préférait en
rester au style traditionnel apporté à l'origine par celui-ci; Otsuka
fonda le style Wado-ryu, plus proche des techniques originelles que
celles que développaient Yoshitaka Funakoshi et les étudiants
japonais. Le vieux maître Gichin Funakoshi approuvait d'ailleurs les
deux tendances, estimant que tout homme sincère doit suivre sa propre voie D
autres déviations eurent encore lieu avec les maîtres Egami Tani Itosu
etc. Les grandes lignes étaient maintenant tracées, les différentes écoles
spécifiées; chacune d'elle va former les maîtres et les experts actuels
Cependant cet éclatement progressif s'était accompagné d'un changement dans
l’esprit originel du karaté : celui-ci devenait de plus en plus un sport
tandis que le sens martial glissait en second plan, n'ayant apparemment plus
de raison d'être à l'époque actuelle. Le karaté commençait a imiter
l’évolution du vieux jiu-jitsu pour devenir un sport de combat comme l’était
devenu le judo.
LE SPORT
L'histoire du sport est
courte. La deuxième guerre mondiale avait achevé de briser les cadres
traditionnels et donné naissance à une nouvelle génération de Japonais,
moins attachés au passé. La première Association Japonaise de Karaté, avec
Gichin Funakoshi comme président fut créée en 1948. Quelques années plus
tard quelques amateurs de sports de combat orientaux firent connaître le mot
« karaté » en France et,petit à petit, par des livres, des films et au
contact des premiers maîtres japonais invités à cet effet, MM. Murakami et
Mochizuki, en apprirent la technique. Après de nombreuses confrontations
avec les sports de coo»bat déjà connus en Occident, tels le judo, la boxe ou
la boxe française, il apparut que le karaté était une technique à
l'efficacité certaine, car plus proche de l'art martial véritable, nanti
d'un esprit de décision que l'habitude des assauts sportifs et courtois
avait déjà fait perdre aux pratiquants des autres méthodes. En 1954, sous
l'impulsion de M. Plée, actuellement 5' Dan, fut constituée la Fédération
Française de Karaté et de Boxe Libre qui forma les premiers professeurs
français et européens.
Peu à peu le karaté
sortait de l'ombre et lorsque le maître Funakoshi, âgé de 88 ans décéda en
1957, l'art qu'il apporta au Japon avait connu un développement tel qu'il ne
pouvait plus tomber dans l'oubli. La même année d'ailleurs furent organisés
au Japon les premiers Championnats Universitaires qui consacraient en
quelque sorte la nouvelle orientation du karaté. En 1960 la Fédération
Française de Karaté et de Boxe Libre entra au sein de la Fédération
Française de Judo et Disciplines Associées. Depuis cette date, en France
comme en Europe ou au Japon, le karaté dont les effectifs étaient jusqu'ici
divisés en de nombreuses Fédérations rivales, entra dans la voie de l'unité
: en 1964, sous la pression du ministre japonais de l'Education Nationale,
fut créée la « Ail Japan Karaté-Do Association » dont le but était de
regrouper tous les organismes déjà en place ; l'année suivante, sous
l'impulsion de M. Delcourt, président de la section karaté de la F.F.J.D.A.,
les dirigeants des Fédérations européennes décidèrent de créer l'Union
Européenne de Karaté (U.E.K.), première étape vers l'Union Mondiale puisque,
d'autres unions internationales s'étant formées depuis, on annonce, à la
date de mise sous presse de cet ouvrage, la création de l'Union
Internationale de Karaté (U.I.K.) pour les mois prochains. Tout n'est sans
doute pas parfait. Ainsi la « Ail Japan Karaté-Do Association » couvre
toujours une foule de Fédérations propres aux différents styles, ayant leur
hiérarchie interne et leurs championnats toujours également intitulés « de
tout le Japon »... En Amérique la situation est des plus confuses, les
effectifs se fragmentant entre de nombreux organismes rivaux. En Europe
également des dissidences subsistent à côté des organismes officiels, seuls
reconnus par les Ministres des Sports. Toutefois l'unification est en train,
de se poursuivre et la mise en place d'un organisme central mondial,
groupant la grande majorité des karatékas de tous les pays, n'est déjà plus
une pure vue de l'esprit. Tous les styles japonais et coréens (le Taekwon-do
est une réplique très fidèle du karaté japonais) sont actuellement connus en
Europe grâce aux démonstrations et enseignements de nombreux experts. Ainsi
les karatékas français étudient surtout les styles Shotokan (le premier qui
fut connu en Europe) avec Maître Taiji Kase, T Dan, Wado-ryu avec Maître
Hiroo Mochizuki, 5" Dan (ces Maîtres sont également Conseillers Techniques
de l'U.E.K.), Shukokai avec Maître Yoshinao Nanbu, 5' Dan.
Les karatékas européens
sont maintenant en mesure de se faire une opinion précise sur ces styles
puisqu'ils ont eu la possibilité, ces deux dernières années, d'assister à
des stages dirigés par les plus hautes autorités de ces écoles ; ainsi les
Maîtres Nakayama, 8e, et Hidetaka Nishiyama, T Dan (pour le Shotokan), les
Maîtres Hironori Otsuka, qui est Saiko Shihan (c'est-à-dire au-dessus de
tous les grades, grand Maître de 76 ans)
et Tatsuo Susuki, T Dan (pour le
Wado-ryu), le Maître Masutatsu Ovama, 8- Dan pour le Kyokushinkai, etc.
Des professeurs occidentaux ont été
formés dans tous ces styles, chaque karatéka peut donc choisir celui qui lui
convient le mieux, en fonction de sa morphologie, de son tempérament, de son
état d'esprit au stade ultime de la progression technique et mentale et est
toujours assuré de déboucher sur le karaté, quelles que soient les formes de
base adoptées au départ; car l'essence du karaté ne se limite pas a
une seule école.